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L’inde entre dans le « big five »

13 Août 2013, Posté par D. Bocquelet dans Regard sur l'actualité

Depuis une dizaine d’année, l’essor économique de l’Asie se double de démonstrations de puissance, qui passent par l’accroissement des forces armées. L’un des symboles les plus forts dans ce domaine est la construction d’un porte-avions. Summum de la concrétisation de ce que les militaires et politiques appellent une « projection de puissance », le porte-avions est une base aérienne, un morceau du territoire national, que l’on peut exhiber à portée des frontières de tout pays bordé par un océan. C’est une proclamation aussi imposante que le fait de posséder un arsenal nucléaire. Le paradoxe est que la Chine, l’Inde et maintenant probablement aussi le Pakistan, avaient tous l’arme nucléaire et la technologie afférente bien avant de posséder un porte-avions. Cela donne une idée de la complexité et du coût d’un tel projet.

Contrairement à la Chine, l’inde n’était pas étrangère aux porte-avions. C’était même le premier pays d’Asie continentale à en posséder un: Le Viraat, un ex-bâtiment de la classe Centaur (mis sur cale en 1944) et achevé après-guerre. Lorsque la grande-Bretagne s’en sépara pour des raisons budgétaires, l’Inde en fit l’acquisition et il permit de former plusieurs génération d’officiers et de pilotes rompus aux tactiques et techniques propres à l’aéronavale. Toutefois, sa coque approchant les soixante-dix ans, le vénérable bâtiment, quoique modernisé, arrivait au bout de ses possibilités. Il faut épaulé plus récemment par le Vikramaditya, un ex-bâtiment russe de la classe Kiev (conçu dans les années 70). L’inde commença donc dès 1995 à rechercher des possibilités de remplacement. Parmi ces dernières figuraient l’acquisition d’un bâtiment Britannique, Russe, Français, avec transferts de technologies et/ou construction partielle mais au final il fut décider de procéder à la conception d’un bâtiment purement national, notamment pour ne dépendre d’aucune technologie étrangère et de répondre parfaitement aux matériels et spécifications locales. Baptisé INS Vikrant, le nouveau bâtiment vient d’être lancé à Cochin Shipyard ce lundi 12 août, en grande pompe.

C’est un bâtiment de 40 000 tonnes, 260 mètres de long par 60 m au pont d’envol, qui sera capable d’opérer une trentaine d’appareil, dont des Mig 29K (version navalisée) et Hal Tejas, chasseur national dérivé du Mirage 2000 Français. Son pont d’envol avec rampe témoigne de la double influence, Russe et Britannique, et permet de lancer des appareils (par catapulte – STOBAR) lourdement chargés. Le Vikrant est le premier d’une classe de deux bâtiments à propulsion  classique (Une paire de turbines à gaz LM2500), dont la construction, très largement modulaire, permettra facilement de futures modernisations. Il fait largement appel à des systèmes assistés et automatisée, mais pour autant son équipage (y compris le personnel naviguant) sera de 1600 personnes. Son entrée en service est prévue en 2017, tandis que son sister-ship, l’INS Vishal, qui fera appel au système CATOBAR et à des catapultes magnétiques. Son entrée en service est prévue pour 2020… L’inde, en concevant un bâtiment strictement national, sur ses rssources propres, entre dans le très sélect club des « big six » comprenant les USA, la Russie, la Grande Bretagne, la France, l’Espagne et l’Italie. Il faudra donc maintenant parler de « big 7 » et même « big 8 » en incluant les Japonais…

Ce bâtiment est une réponse à la mise en service l’année dernière du Liaoning, premier porte-avions Chinois, entamé en union soviétique (Varyag) et resté inachevé, acheté à l’Ukraine pour un projet de « casino flottant », puis modernisé et partiellement reconstruit à Dalian, en Chine. Le Liaoning est à propulsion nucléaire. La Thaïlande de son côté avait lancé le Chakri Naruebet, sous assistance Espagnole, et le Japon très récemment à mis en service le Hyuga et l’Ise en 2009-2011 et récemment lancé le Izumo, bien plus grand. Officiellement, ces trois bâtiment sont d’ailleurs classés comme « destroyers porte-hélicoptères » d’une marine normalement strictement défensive. La Corée projette également son premier porte-avions pour les années à venir, plusieurs projets circulent et des négociations pour des partenariats technologiques sont en cours.